Une philosophie inébranlable… à quel prix ?
Depuis son arrivée à Old Trafford en novembre 2024, Ruben Amorim n’a de cesse de marteler son credo : « Je joue à ma façon et je jouerai à ma façon jusqu’à ce que je souhaite changer. » Inspiré de la chanson « A Marcha do Sporting », l’hymne de son ancien club, le portrait du manager portugais pourrait se résumer à une ferme volonté de s’imposer coûte que coûte. Pourtant, à la suite du cinglant 3-0 concédé face à Manchester City ce dimanche, difficile de ne pas s’interroger : cette obstination tactique ne nuit-elle pas à la compétitivité de Manchester United ?
Des chiffres qui donnent le tournis
Le début de saison des Red Devils est pour le moins catastrophique. Avec un effectif remodelé, appuyé par un mercato hivernal et estival dépassant les 200 millions de livres, l’objectif était clair : retrouver la Ligue des champions et jouer les premiers rôles en Premier League. Les faits sont têtus :
- Pire entame de championnat en 33 ans
- Taux de victoire de 36,17 % depuis l’arrivée d’Amorim – plus faible qu’aucun entraîneur mancunien depuis la Seconde Guerre mondiale
- Classement actuel aux alentours de la 14e place de Premier League
- Dernière humiliation : un derby perdu 3-0 face à City, avec un doublé d’Erling Haaland
Ce bilan affligeant contraste avec la foi indéfectible du coach, persuadé que son système en 3-4-3 (ou 3-4-2-1) finira par payer. Mais, à force de répéter la même formule tactique, le Portugais ne finit-il pas par essouffler son groupe ?
Un système rigide au détriment de la flexibilité
Alors que Manchester United dispose d’un éventail de talents – Bruno Fernandes, Kobbie Mainoo, Alejandro Garnacho – l’application à la lettre du schéma d’Amorim pousse parfois ces joueurs dans des rôles inadaptés :
- Bruno Fernandes trop bas : le capitaine est fréquemment cantonné à un poste de récupérateur, là où sa créativité est précieuse en soutien des attaquants.
- Kobbie Mainoo ignoré : le jeune milieu anglais, pourtant performant en fin de saison dernière, ne trouve pas sa place dans ce système rigide.
- Manque de latéraux polyvalents : la défense à trois exige des pistons capables de monter et descendre sans relâche – un profil rare dans l’effectif actuel.
À ce rythme, chacun finit par perdre ses repères, faute de pouvoir exprimer pleinement son potentiel. Et quand le collectif s’essouffle, il devient plus difficile de dissimuler les lacunes individuelles.
Des voix qui s’élèvent
La cote de popularité d’Amorim souffre désormais en dehors des murs de Carrington. D’anciens Diables rouges, comme Gary Neville, n’ont pas ménagé leurs critiques sur Sky Sports :
- « La pression va s’accentuer si la rigidité du système persiste. »
- « Avec Chelsea la semaine prochaine et Sunderland qui arrive, le temps presse pour inverser la tendance. »
Roy Keane, figure tutélaire du club, s’est également montré inquiet :
- « On parle de donner du temps aux managers, mais où sont les signes de progrès ? »
- « Les stats actuelles – points par match, buts pour, buts contre – sont loin des standards attendus à United. »
Face à ces prises de position, la direction mancunienne se trouve elle aussi sous pression pour soit assumer publiquement sa confiance en Amorim, soit envisager un plan B.
Les enseignements d’autres réussites
Dans le même temps, plusieurs rivaux anglais font figure de modèles : Arne Slot a conquis Liverpool, Thomas Frank engrange des succès à Tottenham. Ces entraîneurs ont su faire évoluer leur schéma pour tirer le meilleur de leurs joueurs, sans s’enfermer dans une seule configuration tactique. Une flexibilité dont Amorim a pour l’instant fait l’impasse, lui qui estime que ses principes finiront par prévaloir.
Un avenir incertain
Alors que Manchester United doit rapidement retrouver un rythme de vainqueur, chaque défaite pèse un peu plus sur le moral des troupes et la patience des supporters. Le prochain rendez-vous face à Chelsea pourrait déjà s’apparenter à un tournant : une défaite contre les Blues risquerait d’ouvrir une crise profonde à Old Trafford. Car, au-delà de la philosophie de jeu, c’est bien le résultat qui dictera l’avenir de Ruben Amorim sur le banc mancunien.